Ces dernières années, la popularité des réseaux sociaux a transformé de nombreux aspects de notre vie quotidienne, y compris les pratiques culturelles de beauté. Toutefois, l’impact sur les enfants est alarmant. De plus en plus de fillettes très jeunes partagent leurs routines de soins de la peau sur des plateformes comme TikTok, utilisant des produits destinés aux adultes et souvent inspirés par des influenceurs ou des célébrités. Ce phénomène soulève des questions importantes sur l’impact de ces pratiques sur leur développement psychologique.
Une récente tendance, désignée par certains comme le phénomène des « Sephora Kids », voit des enfants d’à peine dix ans s’engager activement dans des routines de beauté sophistiquées. Elles appliquent des sérums, des huiles apaisantes et même des crèmes anti-rides devant la caméra, les pavés numériques de leurs parents devenant les outils de diffusion de ces pratiques. La question qui se pose ici est : que se passe-t-il lorsque les jeunes enfants adoptent des pratiques qui ne sont pas alignées avec leur âge ?
Les risques de l’adultification précoce
L’adoption de ces routines à un si jeune âge peut conduire à un phénomène d’adultification, où les enfants sont poussés à adopter des comportements associés aux adultes beaucoup trop tôt. Virginie Piccardi, psychologue et psychothérapeute, explique que si emprunter occasionnellement des vêtements ou des cosmétiques à sa mère peut être un moment ludique, le transformer en habitude peut nuire à l’enfant. « L’enfant doit être libre de rester à sa place », insiste-t-elle. Ne pas respecter cela pourrait avoir des répercussions sur le développement de leur identité personnelle, les empêchant de s’épanouir individuellement.
En effet, des vidéos montrant mères et filles se maquillant de manière similaire, habillées de la même façon, apparaissent régulièrement. Cette sorte d’uniformité peut renvoyer l’idée que la valeur de la fillette repose uniquement sur son apparence physique, aux dépens de son individualité et de son originalité.
Les implications psychologiques
Sabine Duflo, psychologue clinicienne, soulève une préoccupation cruciale : être réduit à son apparence peut créer un sentiment de vide intérieur. Le but de l’éducation est de construire quelque chose de plus profond qu’une simple enveloppe physique. Les enfants, à travers ces processus, risquent de voir leur estime de soi dépendre de perceptions extérieures plutôt que de valeurs intrinsèques.
De plus, la quête d’une perfection inatteignable, induite par des normes sociales sévères, pourrait amener à des problèmes tels que la dysmorphophobie—une obsession exagérée et irrationnelle d’un défaut imaginaire ou mineur de son apparence. Anne Fabre, infirmière puéricultrice, indique que cet état peut provoquer des troubles psychologiques durables.
L’importance de préserver l’enfance
Ce phénomène alarmant met en lumière l’importance de préserver l’innocence de l’enfance. Pour Sabine Duflo et Virginie Piccardi, il est essentiel que les enfants aient l’opportunité d’apprendre et de grandir à travers le jeu, l’imagination et les interactions sociales réelles. « Les enfants se construisent dans des expériences tangibles et non à travers un écran », affirme Duflo.
Les parents jouent un rôle clé dans cette dynamique. Ils doivent fixer des limites claires et s’assurer que leurs enfants comprennent que leur valeur n’est pas liée à leur apparence extérieure. En guidant les enfants loin des diktats esthétiques irréalistes véhiculés par les réseaux sociaux, les parents favorisent une croissance saine de l’estime de soi et de l’identité de leurs enfants.
Réflexions finales
S’il est naturel pour les enfants de vouloir imiter leurs modèles, il est primordial que ces modèles reflètent des idéaux qui favorisent leur bien-être général, plutôt qu’un simple attrait physique. Repenser notre propre rapport à la beauté et accepter le vieillissement comme une partie naturelle de la vie peut être un début. Nous devons encourager les jeunes à valoriser des qualités essentielles telles que l’intelligence, l’empathie et la créativité.
En conclusion, bien que les médias sociaux et les tendances de beauté puissent offrir du divertissement et de l’expression personnelle, il est crucial de se rappeler que leur place doit être secondaire par rapport à l’éducation et au bien-être psychologique des enfants. Protéger leur enfance, finalement, c’est leur permettre de vivre pleinement et de s’épanouir dans un monde qui valorise toutes les dimensions de l’être humain.

